Julien Bagnard « Nous sommes dans les temps pour valider notre démarche Neutral.ITE 2025 ! »
C’est un rendez-vous fixé tous les semestres. Une façon de faire œuvre de transparence et de mesurer les temps de passage vers l’objectif fixé par la démarche Neutral.ITE 2025 : devenir en 3 ans le système de façade le moins carboné du marché en baissant de 70% l’impact carbone de la solution Myral. Alors où en est-on à mi-2023 ? Nous avons posé la question à Julien Bagnard, directeur du fabricant de façades isolantes Myral. Très engagé dans la démarche, Julien détaille les actions en cours, annonce que le projet est dans les temps et se projette déjà sur 2025.
Au sein du groupe Myral, vous avez lancé la démarche Neutral.ITE 2025 il y a un an et demi. Où en est-on à la fin de ce premier semestre 2023 ?
Julien Bagnard : C’est intéressant de prendre le temps d’analyser ce qui a été fait depuis le démarrage de notre plan de décarbonation Neutral.ITE car, avec le recul, c’est très linéaire. On savait où on voulait aller, on avait fait la photographie de notre situation et on a posé des ambitions chiffrées. Des ambitions jugées sincères et vertueuses car des organismes comme l’ADEME et France Relance 2030 nous accompagnent et croient en notre action. Le point de départ tient en 3 mots : circularité, agilité, et sobriété. Ils résument l’ensemble de la démarche. Nous travaillons ainsi sur l’écoconception de notre panneau et sur l’utilisation d’isolants complémentaires qui vont s’adapter à tous types de chantiers, pour rénover, massifier et décarboner. Tout cela dans une logique de sobriété dans les usages pour pouvoir réellement avoir un impact. Ce qui a donc été marquant ces derniers mois, ce sont les progrès en matière de travail sur l’écoconception de notre solution et notamment l’accélération du choix des matières premières.
Quelles sont ces avancées ?
Julien Bagnard : Nous avons pris un engagement très clair : celui d’avoir recours à terme à un maximum de matières premières recyclées fin de vie dans notre processus industriel. L’objectif est d’utiliser des déchets du quotidien pour produire nos panneaux d’isolation par l’extérieur. On avait des pistes pour l’aluminium recyclé, également pour le PVC, sans savoir jusqu’où on pouvait aller. Et puis, pour la mousse isolante, on savait qu’il y avait possibilité d’intégrer des bouteilles PET dans sa composition. Le challenge était de transformer ces bonnes idées pour nos 3 matières premières en concret. Alors sur l’année et demie qui vient de s’écouler, la démarche a principalement été centrée sur les modificatifs à apporter à nos avis technique CSTB nécessitant notamment de nombreux essais de caractérisation des matériaux. La première finalité, début 2024, est la publication de plusieurs FDES pour nos produits éco conçus, qui certifient l’impact réduit de nos systèmes, tout en validant ces matières premières dans le cadre de l’avis technique, de la certification ACERMI et de l’appréciation de laboratoire au niveau du feu.
« Des pistes pour aller jusqu’à 85% d’alu recyclé, 100% de PVC recyclé et 15% de bouteilles en plastique dans notre mousse isolante, soient 1,5 million de bouteilles recyclées par an ! »
Comment réalisez-vous ce sourcing des matières premières ?
Julien Bagnard : Pour l’aluminium, c’est finalement très simple. On a comparé les données des fournisseurs qui avaient la capacité de nous proposer du recyclé dont la matière est validée dans nos avis techniques. On a fait des tests sur notre ligne de fabrication, on a analysé les impacts vis-à-vis des différentes certifications CSTB au niveau du feu, vis-à-vis des déconstructions, etc. Et, même s’il a parfois fallu mettre la pression pour obtenir des données d’un point de vue environnemental, on est arrivés des résultats très intéressants. Finalement, on obtient de nos fournisseurs un taux d’aluminium recyclé post consommation, c’est-à-dire de vrais déchets comme des canettes usagées, allant de 75% à 85%. Concernant notre démarche, l’aluminium est le plus gros potentiel de décarbonation, après l’absence d’ossature. Cela représente entre 6 et 8 kg co2e/m². C’est donc une baisse de 20% sur notre impact de départ. L’absence d’ossature représente quant à elle un gain de 10 à 25 kg co2e par m² !
Et en ce qui concerne la mousse isolante et le PVC ?
Julien Bagnard : Sur ces 2 champs aussi, on a bien avancé. Sur le PVC, nous avons des pistes avec nos fournisseurs pour obtenir de la matière 100% recyclées issue de la déconstruction de menuiseries. C’est très intéressant. Concernant la mousse isolante, qui est le plus difficile à décarboner, on table sur l’intégration de bouteilles en plastique recyclées dans la formulation. On devrait pouvoir utiliser 5 à 6 bouteilles par m², ce qui représente 1,5 million de bouteilles par an ! Cela va représenter dans un premier temps 15% de recyclé dans la composition, ce qui est une vraie avancée et va nous permettre d’économiser à peu près 4 kg co2e/m². Au-delà des chiffres, le message que l’on veut envoyer c’est qu’avec de vieilles cannettes d’alu, des bouteilles en plastiques usagées et des menuiseries en PVC qui ont eu une première vie, on va fabriquer des produits vertueux qui vont isoler les logements, les bureaux et vont permettre à leurs occupants d’économiser de l’énergie. Cette circularité est vraiment ce que l’on prône chez Myral.
« En 2024, 2 premières FDES décarbonées et en 2025, obtenir la neutralité sur 100% du process »
Etes-vous dans les clous des objectifs fixés ?
Julien Bagnard : À ce stade, je dirais que oui, nous sommes dans les temps pour valider notre démarche. On arrive au bout des dossiers de certification : dépôts des FDES, essais feu, avis techniques en cours d’intégration avec toutes ces nouvelles matières premières. L’objectif est que début 2024, on ait 2 premières FDES décarbonées et une association officielle avec un premier isolant complémentaire lui aussi décarboné. Ensuite, l’enjeu de 2025 sera de finaliser la démarche autour de l’hygrométrie pour pouvoir y intégrer d’autres typologies d’isolants en complément, peut-être encore plus décarbonés. Je pense à la fibre de bois avec une partie de stockage de carbone. Parallèlement, l’idée est aussi de travailler sur la contribution carbone qui permettra d’atteindre la neutralité sur 100% du process. C’est-à-dire de compenser l’impact restant en s’associant avec des spécialistes de la contribution carbone, comme la plantation d’arbres en France. Cette solution a l’avantage de stocker du carbone sur le temps long et de contribuer à renouer avec la création de biodiversité.
« Une véritable aventure » et « des situations étonnantes »
Cette démarche d’aller rencontrer des industriels fournisseurs, de faire du sourcing produit et de demander des engagements en matière environnementale qui répondent à vos besoins : qu’est-ce qu’elle vous apprend ?
Julien Bagnard : D’abord c’est une vraie aventure ! Pour obtenir les infos, je me suis retrouvé dans des situations étonnantes. J’ai endossé une sorte de rôle de catalyseur ou d’accélérateur en poussant nos fournisseurs historiques à nous amener des données pertinentes. Ils ont dû parfois s’interroger sur leur modèle et leur discours. Pour trouver des filières de recyclé nouvelles ou alternatives, cela a été une véritable enquête qui m’a conduit d’interlocuteurs en interlocuteurs. J’ai appris beaucoup et j’ai parfois échangé avec le fournisseur de notre fournisseur… Là, on comprend mieux les rouages et pourquoi ça peut bloquer ! Finalement, je me rends compte qu’il y a des niveaux très hétérogènes dans la prise en compte de la donnée environnementale chez les industriels du secteur qui, malgré tout, commencent à se livrer une bataille féroce dans ce domaine. J’ai pris conscience aussi de la taille idéale de Myral pour nouer des partenariats avec ces gros industriels du recyclé : nous sommes une entreprise ni trop grosse, ni trop petite, sérieuse et engagée. Travailler avec nous est un bon moyen pour eux de roder leur business model.
Est-ce que ce plan de décarbonation fédère jusqu’au sein des équipes du groupe ?
Julien Bagnard : Tout à fait ! C’est incroyable à quel point ces questions reviennent en permanence. Par exemple, ces dernières semaines j’ai fait une dizaine de rendez-vous avec nos 4 chargés d’affaires prescription et à chaque fois des débats se sont engagés avec nos interlocuteurs bailleurs, promoteurs, architectes ou entreprises de pose sur les questions du recyclé ou du biosourcé, de l’impact carbone et de notre démarche Neutral.ITE 2025. Tous sont curieux et cherchent à comprendre. C’est la même chose à l’usine Myral et au sein nos équipes. Il y a quelques jours, un opérateur de la ligne de production m’a évoqué de lui-même les questions de réchauffement climatique et nous avons parlé de nos ambitions. On sent qu’il y a une prise de conscience et une fierté des engagements pris par l’entreprise.